La technique du « coup d’accordéon » est une opération qui, par le biais d’une réduction puis d’une augmentation du capital, permet d’apurer les pertes sociales, notamment lorsque, du fait de celles-ci, les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social. Le juge a apporté des précisions pour que cette opération soit valable.
Les faits
L’assemblée générale extraordinaire d’une société par actions simplifiée (SAS) décide de réduire le capital à zéro puis de l’augmenter et prend acte que, à l’issue de ce « coup d’accordéon », son président devient l’unique associé de la société.
À la demande de l’un des associés évincés, le juge des référés suspend les résolutions de l’assemblée ayant constaté, d’une part, la souscription de l’augmentation de capital par le président, et d’autre part, le nouveau montant du capital, et ayant modifié les statuts en conséquence. Peu de temps après, l’associé unique de la SAS approuve un apport partiel d’actif au profit d’une filiale de celle-ci. L’associé évincé demande l’annulation de cet apport partiel.
La décision du juge
La Cour d’appel de Paris déclare l’action en nullité de l’apport partiel d’actif irrecevable, dès lors que le demandeur avait perdu sa qualité d’associé lors de l’introduction de son action, en raison du coup d’accordéon.
Censure de la Cour de cassation. Il résulte des articles L 210-2 et L 224-2 du Code de commerce que la réduction à zéro du capital d’une société par actions n’est licite que si elle est décidée sous la condition suspensive d’une augmentation effective du capital de cette société, amenant celui-ci à un montant au moins égal au montant minimal légal ou statutaire. Ayant constaté que l’augmentation de capital n’était pas effective, la Cour d’appel ne pouvait pas faire produire d’effet à la réduction de capital, peu importe que la résolution autorisant celle-ci n’ait pas été suspendue, de sorte que le demandeur avait conservé sa qualité d’associé de la société lorsqu’il avait agi en nullité (Cass. com. 4-1-2023 n° 21-10.609) .
L’opération de coup d’accordéon
Une réduction du capital, parfois à zéro. Cette technique est utilisée pour apurer les pertes au moyen de la réduction du capital suivie de son augmentation, pour assainir le bilan ou redresser la situation financière de la société en recourant à de nouveaux apports en numéraire. Pour apurer la totalité des pertes antérieures, il est parfois nécessaire de réduire le capital à zéro.
Une nécessaire augmentation de capital. Aux termes de l’article L 224-2, al. 2 du Code de commerce, une réduction du capital à un montant inférieur à 37 000 € ne peut être décidée que sous la condition suspensive d’une augmentation de capital destinée à amener celui-ci au moins au niveau de ce montant. Cet article ne s’applique qu’aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions, qui sont tenues d’avoir un capital minimal de 37 000 €. Pourtant, la Cour de cassation, dans la présente affaire, étend la portée de ce texte aux SAS, qui, bien que n’étant pas tenues d’être dotées d’un capital minimal, doivent toutefois en fixer un, même symbolique, dans leurs statuts (C. com. art. L 210-2) . Une réduction à zéro du capital non suivie d’une augmentation contreviendrait à cette règle. La solution est donc transposable à toutes les sociétés commerciales.
Une augmentation qui doit être effective. La Cour de cassation précise, pour la première fois, que l’augmentation de capital doit être effective. Tel n’est pas le cas d’une augmentation dont les effets ont été suspendus par un juge des référés. L’augmentation de capital effective s’entend comme celle qui a été définitivement réalisée, et non comme celle qui a seulement été décidée en son principe. L’accomplissement de la condition suppose donc que les parts ou actions sont souscrites en nombre suffisant et libérées du minimum requis lors de la souscription.